L’imposte rococo du 3 rue Sainte Marie des Terreaux

Un lecteur de Lyon Visite nous a contacté avec cette question :

J’ai une question historique et je ne sais pas à qui la poser…
J’ai observé un magnifique imposte / un dessus de porte en fer forgé au 3 rue Sainte Marie des Terreaux dans le 1er, à quoi correspondait ces dessins : nom de société ou encore propriétaire ? Sait-on les dater ?
Sauriez-vous m’indiquer quelqu’un qui pourrait me répondre ce ces points ?

Merci d’avance, cette question m’obsède depuis trop longtemps !

Richard
Au 3, rue Sainte-Marie-des-Terreaux, tout en bas des Pentes, à leur démarrage derrière la place des Terreaux, aux premiers escaliers. Photo M. Berthelon CC BY-NC-ND 2.0

À vrai dire, nous avions déjà remarqué cette imposte, sans aller plus loin. Cette rue et la rue Sainte Catherine voisine recèlent tellement de choses, par exemple cette plaque hommage aux 86 juifs raflés le 9 février 1943 par la Gestapo, 80 ont été déportés, dont 3 seulement sont revenus.

Cette imposte du 3 rue Sainte Marie des Terreaux est effectivement remarquable, quelque chose d’Art nouveau et en même temps d’ésotérique.
Le guichet des savoirs de la Bibliothèque municipale de Lyon souvent très documenté sur des sujets pointus n’avait rien à nous proposer sur l’histoire de cette imposte. Nous avons posé la question sur Instagram et Facebook.

C’est le guide Artnfact qui nous a apporté sur Instagram un bon début de réponse, au moins des éléments de contexte de l’époque. Selon lui :

Au regard des autres impostes à monogramme de style rocaille du quartier, cette imposte doit dater de la 1ère moitié du XVIIIe siècle. 

Ici, on aperçoit deux C et un R entrelacés. Les initiales sur les impostes sont celles du maître d’ouvrage (commanditaire) de l’immeuble.

Artnfact, Instagram

Le style rocaille est mieux connu sous le nom Rococo. Le fond Pointet aux Archives Municipales de Lyon pourrait selon Artnfact donner le propriétaire de l’époque. CR ? ou CCR ? L’imposte voisine est toujours selon lui mieux connue :

L’imposte au 5 rue Sainte-Marie-des-Terreaux est dans le même style rocaille et est due à son ancien propriétaire Charles Vial, maître serrurier et propriétaire de l’immeuble de 1739 à 1758.

Concluons donc sur un nouvel appel à qui saurait. Mais l’important est d’avoir attiré notre attention et la vôtre sur ces impostes rococo. Merci à Richard et à Artnfact. Levons la tête, fièrement, vers les hauts des portes. Portes d’ailleurs qui dans ce quartier du bas des pentes sont souvent remarquables, emblèmes de richesse de leurs copropriétaires d’alors.

900 ans d’histoire et hasard des Lazare : anniversaire de la cathédrale d’Autun

900 ans d’histoire. Qui peut en dire Autun ?… pardon, autant ! Ce 25 décembre 2019, cette cathédrale, complètement restaurée, l’une des plus belles de France, littéral joyau roman, avec son statuaire unique, réalisé par Gislebertus, fête ses 9 siècles. À découvrir entre Paris et Lyon.

À la Noël 1119, le pape Calixte II est de passage à Autun. Louis VI, surnommé Louis le Gros, est roi de France. Henri V, roi de Germanie et d’Italie, dirige le  Saint-Empire Romain, dont la frontière passe alors vers Dôle, à une centaine de kilomètres. 7 papes se sont succédés en 20 ans à Rome, certains n’ont même pas eu le temps de choisir un nom de règne. Pascal II qui avait pourtant soutenu Henri V dans son accession à la tête du Saint-Empire est emprisonné par celui-ci qui l’oblige à le couronner empereur. Pas simple, comme on dit aujourd’hui.

Cathédrale d’Autun au début de sa restauration en 2003 — Photo Gilles Bertin

Le 25 décembre 1119, Calixte II célèbre donc une messe à Autun et lance les travaux de la future cathédrale d’Autun. But de l’édifice, abriter les reliques de Saint Lazare d’Aix, reliques arrivées depuis Marseille au siècle précédent, pour réaffirmer la place d’Autun sur les routes des pèlerinages, réseau a son importance alors en terme économique et de soft power.

Le glissement du Lazare biblique par voie d’eau

Mais il y a a maldonne sur ce Lazare. Une histoire de translation qui vaut le coup d’être contée. Ce Lazare dont on a les reliques à Autun, on le prend pour un autre Lazare. Lazare de Béthanie, frère de Marthe et Marie. Lesquels, dans la tradition provençale, débarqueront aux Saintes–Maries–de–la–Mer. Jésus aurait ressuscité Lazare :

Jésus dit : « Ôtez la pierre. » Marthe, la soeur du mort, lui dit : « Seigneur, il sent déjà, car il y a quatre jours qu’il est là. »
Ils ôtèrent donc la pierre. Et Jésus leva les yeux en haut, et dit : « Père, je te rends grâces de ce que tu m’as exaucé. Pour moi, je savais que tu m’exauces toujours ; mais j’ai parlé à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé ». Ayant dit cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, sors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandes, et le visage enveloppé d’un linge.

Jean 11 : 39 à 44
Le fameux tympan de la Cathédrale d’Autun — Photo Gilles Bertin

On révère alors ce Lazare et ces sœurs et on croit que les reliques d’Autun sont les siennes. Il s’agit en fait de celles du premier évêque d’Aix, Saint Lazare d’Aix, nommé en 408 par l’empereur Constantin III pour s’appuyer sur la religion catholique, mais dont la désignation provoque des bains de sang à Aix. La population le chasse et il est excommunié par Rome. Curieusement, il fait le voyage inverse de Lazare de Béthanie en allant lui s’installer en Palestine. Son histoire aurait donc été recouverte et son corps en quelque sorte récupéré dans l’esprit des croyants du Moyen-Âge par la figure de Lazare de Béthanie.

Le Christ en majesté, figure centrale du tympan de la cathédrale d’Autun, merveille de la sculpture romane par Gislebertus — Photo Gilles Bertin

L’intéressant de ce mélange de légende, d’histoire et d’adoration populaire est la beauté de ce lien par voie d’eau entre Palestine, Marseille, Autun. Entre premier et douzième siècle. Voire même si l’on file plus loin cette histoire d’eau, jusqu’à l’abbaye de la Trinité de Vendôme qui a abrité la relique de la Sainte Larme, l’une des larmes que le Christ auraient versées à la mort de Lazare, récupérée par un ange qui l’aurait donnée à Marie-Madeleine. L’eau de l’au-delà, chantait Reggiani :

Il lui arrive quelquefois
D’aller à n’en pas revenir
Nager dans l’eau de l’au-delà
Des souvenirs de l’avenir
Entre les lignes de ses rides
Qui ne l’ont pas encore marquée
Elle peut lire des génocides

Des souvenirs de l’avenir, Serge Reggiani

900 ans d’architecture et un miraculeux sauvetage du tympan

La construction de la cathédrale s’étend de 1120 à 1140. Deux siècles plus tard, comme elle est en train de s’ouvrir par le milieu, la maladie de ces architectures romanes, on la dote d’arcs-boutants. Hélas, ils assombrissent énormément l’intérieur et ne rendent pas grâce à la spirituelle et encore empreinte de paganisme sculpture des chapiteaux effectuée par le grand Gislebertus, avec cet incroyable tympan qu’il faut avoir vu une fois dans sa vie.

Un collage vidéo de photographies de la cathédrale — Auteure : Renée Grillot.

Tympan qui range cette école de sculpture dans l’art mondial humain, à laquelle on songe lorsque l’on visite le musée Jacques Chirac des arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques, quai Branly à Paris.

La flèche actuelle est construite à la fin du 15ième siècle pour remplacer la tour romane détruite par un orage. Des chapelles sont ajoutées à la même époque.

Pendant la révolution, le fameux tympan sauve sa peau par un incroyable coup de chance. En 1766, les chanoines qui le trouvaient de mauvais goût l’avaient fait plâtrer et peindre pour donner une allure baroque à la cathédrale. Ce qui le protégea du vandalisme pendant l’époque révolutionnaire où des statuaires dans d’autres églises de la région furent détruits. Hélas, ses ânes de chanoines détruirent définitivement d’autres éléments de la cathédrale, sa mosaïque, le portail latéral et son tympan. Quant au grand tympan plâtré, il sera redécouvert dans les deux sens du mot par l’abbé Devoucoux en 1837.

Une grande restauration extérieure et intérieure de la cathédrale est entreprise début des années 2000. Elle vient de se terminer, livrant au visiteur croyant ou athée le sublime de l’art roman transcendé dans une pierre blonde comme le blé.

Visiter Autun

Si je suis le créateur et l’éditeur de Lyon Visite, je suis aussi originaire d’Autun. J’ai évidemment créé mes itinéraires de visite d’Autun et de la cathédrale :

Parcours de visite d’Autun

Parcours de visite de la cathédrale d’Autun


Photo du haut de page : La tentation d’Eve, sur Wikimedia, CC BY-SA 4.0, 15 janvier 2017 par Alamandar — Lien vers la source

Toutes les autres photos sont de Gilles Bertin.

Vidéo de la chaîne Youtube de Renée Grillot

Exposition Imagine Picasso

Une expo immersive des œuvres de Picasso en taille XXL à La Sucrière jusqu’à mi janvier 2020 sur des volumes cubistes conçus par l’architecte Rudy Ricciotti.

Cela ressemble à la fête des lumières avant l’heure, mais c’est la fête à Picasso. La fête surtout à ses œuvres et à leur création. Cela se passe à La Sucrière jusqu’à la mi janvier 2020.

Une scénographie inhabituelle pour une expo de peinture

Le principe de cette expo rompt avec les scénographies habituelles d’œuvres accrochées à des cimaises et de public défilant devant. Ici, cette expo selon ses propres mots est « immersive ». L’image des toiles du grand Pablo sont projetées dans les immenses salles de La Sucrière sur des éléments de structure aux lignes obliques créés par le grand architecte Rudy Ricciotti. Ceette expo est née de son esprit et de ceux de ses acolytes, les réalisateurs Annabelle Mauger et Julien Baron.

Ces deux derniers ont déjà de l’expérience en la matière, avec un « Imagine Van Gogh » qu’ils ont conçu sur le principe de la Cathédrale d’Images des Baux de Provence qui avait marquée Annabelle Mauger en 2000. Imagine Van Gogh a été exposé cet été 2019 au Havre et à la Grande halle de la Villette en 2017.

Les demoiselles d avignon, Picasso
Les demoiselles d’Avignon, Picasso, 1907, CC BY-SA 2.0

L’exposition

L’expo est en deux grandes parties, précédée d’un espace pédagogique.

Parcours Picasso

La première retrace à la fois la vie de Picasso et son parcours artistique avec ses grandes étapes, les périodes bleue et rose du Bateau-Lavoir, le tournant cubiste des Demoiselles d’Avignon et le cubisme, puis les ballets russes et le néo-classique et le surréalisme jusqu’à ses œuvres tardives. Le cycle de projection dure 30 minutes pendant lesquelles sont projetées 300 œuvres. Il est donc possible d’entrer dans l’expo à n’importe quel moment.

Minotaure, Picasso, 1958
Minotaure, Picasso, 1958 – CC BY-SA 2.0

Rudy Ricciotti

La deuxième partie de l’expo se penche avec le principe de la Cathédrale d’images sur l’œuvre de Rudy Ricciotti.

Dossier pédagogique Picasso

Signalons aussi un très bon dossier pédagogique de 36 pages en téléchargement sur le site web de l’expo.

Accès et modalités de l’exposition

Du 17 octobre 2019 au 19 janvier 2020. De 10h à 18h. Les week-ends et vacances scolaires jusqu’à 19h.

La Sucrière, quai Rambaud, Lyon 2ème

On y va en T1 (arrêt Montrochet), à pied depuis Perrache ou à l’issue d’une belle ballade sur les quais de Saône depuis Bellecour ou même depuis Terreaux en jetant au passage un œil à d’autres œuvres monumentales, les murs peints des quais.

Le billet adulte coûte 12,90€ et 9 pour les enfants. Le week-end, c’est 1€ de plus.

Réservations en ligne ici : https://www.imagine-picasso.com


Photos :

L’écrivain Paul Fournel, spécialiste de Guignol, renaît son créateur Laurent Mourguet, le Molière des canuts

L’écrivain Paul Fournel, né à Saint-Etienne, marié à une Lyonnaise et, selon son aveu, « très parisien » et « esclave de l’Oulipo » est devenu depuis sa thèse sur Guignol l’un de ses meilleurs spécialistes. Il a consacré début 2019, le 250ième anniversaire de sa mort, une biographie romancée à Laurent Mourguet, le père de la marionnette et de son théâtre, pas si connu que cela en dehors de Lyon. « Portraits pour très » et croisés de Laurent, Paul, Guignol et les autres.

L’écrivain Paul Fournel, né à Saint-Etienne, marié à une Lyonnaise et, selon son aveu, « très parisien » et « esclave de l’Oulipo » est devenu depuis sa thèse sur Guignol l’un de ses meilleurs spécialistes. Il a consacré début 2019, le 250ième anniversaire de sa mort, une biographie romancée à Laurent Mourguet, le père de la marionnette et de son théâtre, pas si connu que cela en dehors de Lyon. « Portraits pour très » et croisés de Laurent, Paul, Guignol et les autres.

Dom Juan, Guignol, deux personnages inventés qui marchent seuls dans nos cœurs d’humains, qui ont lâché depuis longtemps la main de leurs créateurs, Tirso de Molina et Laurent Mourguet, oubliés, absorbés par le Sopalin de l’Histoire, par les Mozart et les Molière, par les dizaines de milliers de marionnettistes qui tapent du bâton sur le gendarme. « Deux personnages devenus des mots de la langue courante », observe Paul Fournel, l’auteur de Faire Guignol, spécialiste du célébrissime pupazzo lyonnais.

Fournel Paul photo Sophie Bassouls
Paul Fournel © Sophie Bassouls/P.O.L

Guignol, conservateur du francoprovençal

« J’étais en lettres à l’ENS Saint-Cloud, juste après 68, en plein dans ce bouillonnement autour du langage, je m’intéressais au francoprovençal », une langue parlée dans les pays romand, lyonnais, savoyards, dauphinois, foréziens, Paul Fournel est stéphanois. « J’avais choisi Guignol comme représentant, conservatoire d’un certain vocabulaire. » Il en fait son sujet de thèse de doctorat, Le Guignol lyonnais classique (1808-1878) étude historique, thématique et textuelle d’une forme d’art populaire.

L’Oulipo et Guignol, même combat

Mais Fournel est comme Mourguet — qui a successivement été canut, arracheur de dents, marionnettiste vers 1800, directeur de troupe en 1820 — lui ne deviendra pas professeur de lettres, mais éditeur, écrivain, oulipien, administrateur culturel à San Francisco. En effet, il rencontrera lui aussi son père Thomas, le baladin sans famille des vogues lyonnaises, ces fêtes foraines de quartiers, qui initia Laurent Mourguet à la comedia della arte de champs de foire, à l’art de la marionnette à gaine, celle où on fourre ses doigts :

(Père Thomas à Laurent Mourguet 🙂 « Tu glisses la main dans la marionnette et tu lèves le bras. C’est pas compliqué. Les trois doigts dans le bras gauche, le pouce dans le bras droit, l’index dans la tête. (…) Monte ton Polichinelle à la hauteur de la bande, comme s’il était debout sur le plancher. Fais-le marcher. (…) Maintenant, tu vas faire une glissade le long de la bande, qui finit par un coup de tête dans le cadre. Une marionnette à gaine, c’est aussi un poing. Vas- franchement et n’aie pas peur du bruit. » (Faire Guignol, p 47-48)

Marionnette centenaire de Guignol du Guignol Guérin, seul Guignol a être vétu de vert — Photo Guignol Guerin Wikimedia CC BY-SA 4.0
Marionnette centenaire de Guignol du Guignol Guérin, seul Guignol a être vêtu de vert, avec son fameux bâton — Photo Guignol Guerin Wikimedia CC BY-SA 4.0

Fournel aura Raymond Queneau pour père Thomas, l’auteur de Zazie dans le métro, à qui il a consacré un mémoire de maîtrise. «  Je suis allé lui rendre visite après un an d’enseignement à Princeton. Je lui ai donné mon mémoire et mon premier roman. » Équilatère sera publié à la NRF et Queneau introduit Fournel à l’Oulipo, dans le chaudron de ce laboratoire où les Perec, Calvino, Roubaud, malaxant les contraintes littéraires et mathématiques, en rupture avec le surréalisme réaniment la création littéraire, en plein infarctus post nouveau roman. Son activité au sein de l’Oulipo (comme au sein du Collège de pataphysique) n’est pas anecdotique, il en devient président et continue d’expérimenter autour du langage. Car, entre Guignol et Oulipo, il y a bien plus de cohérence que l’on ne pourrait le croire au premier abord. Tous deux sont des endroits où la langue est mise dans une cocotte-minute, passée au presse-citron, hachée menue, pour partager le plaisir de jouer avec, d’en avoir plein la bouche, comme dans la défunte émission Des papous dans la tête.

Prolifique Fournel

Fournel devient d’abord éditeur dans les années 80 chez Hachette, Encyclopedia Universalis, Ramsay, Seghers, tout en continuant à écrire. Des nouvelles, Les grosses rêveuses, savoureuse peinture d’un village avant le règne des supermarchés rencontre un beau succès en 1981. Fournel en prépare une suite qui sortira au printemps 2020.

En 1989, Les athlètes dans leur tête décroche le Goncourt de la nouvelle. Fournel est un sportif, passionné de vélo, il écrira Anquetil tout seul en 2012, parmi une trentaine de romans, récits et recueil et une quinzaine de livres jeunesse, dont 5 avec Guignol pour héros.

Guignol, entre spectacles enfants et esprit Collaro

Guignol n’a plus rien à voir avec ce qu’il était, 220 ans après sa naissance. Pour Paul Fournel, il s’est divisé en deux branches. D’un côté, « un spectacle bêbête mais efficace pour les enfants » dont la marionnette est toujours la vedette. De l’autre, des spectacles d’où elle a disparu — comme Les guignols de l’info — mais où subsiste son esprit frondeur qui déteste l’injustice. « Il n’y a plus Guignol, remarque Fournel, mais on retrouve l’esprit Collaro. Guignol n’est pas un politique qui dénonce. Cependant, il n’est pas exempt de ruse et n’est pas dupe. Il adore faire la bête pour avoir du son. »

Jacques Chirac - Guignols de l'info - Canal+ - Exposition de marionnettes de la citadelle de Besançon — Photo : Arnaud 25 sur Wikimedia CC BY-SA 3.0 no modification
Jacques Chirac – Guignols de l’info – Canal+ – Exposition de marionnettes de la citadelle de Besançon — Photo : Arnaud 25 sur Wikimedia CC BY-SA 3.0 no modification

Guignol, Paul Fournel l’a joué lui-même, de temps en temps, jusqu’en Indonésie. Il possède des marionnettes de l’artisan comédien Damien Weiss, réputé pour ses marionnettes, que les Anglais ont surnommé « le guignolier fou ». Il a également fréquenté le Petit bouif, où officiait Jean-Guy Mourguet, le dernier marionnettiste de la lignée Mourguet, où régnait encore dans les années 80 un esprit contestaire, frondeur et rigolard.

Faire Guignol, biographie romancée d’un Mourguet qui ne savait pas écrire

Laurent Mourguet a eu 10 enfants. Dix fois, il s’est rendu à la mairie pour en déclarer la naissance, neuf fois il a signé d’une croix, il ne savait pas écrire, la dernière il a tracé ses initiales.

Monument à Laurent Mourguet, sculpture de François Girardet et Pierre Aubert, avenue du Doyenné, Lyon 5ᵉ
Monument à Laurent Mourguet, sculpture de François Girardet et Pierre Aubert, avenue du Doyenné, Lyon 5ᵉ

On a seulement deux lettres de lui, et elles sont d’un écrivain public. « Ce que l’on sait de lui est tellement lacunaire, explique Paul Fournel, des actes paroissiaux et des actes de police, qu’il est impossible d’en faire la biographie. » Il a donc romancé. Par exemple à partir de cette figure de proue sculptée en Guignol que possède le Musée Gadagne :

« Un beau matin avec la Jeanne et leur petit-fils, Michel Josserand, ils embarquent tous leurs biens sur une péniche qui va descendre le Rhône et les déposer en chemin. (…)
Il fait bon. En hommage au créateur, le batelier a fixé un immense Guignol en figure de proue, et c’est tirée par Guignol lui-même que la péniche glisse sur les courants du Rhône. » (Faire Guignol, p 243)

Ou lorsque Laurent Mourguet, un soir où il est triste que le père Thomas saoul ne soit pas venu jouer avec lui, sculpte dans un morceau de bois de tilleul le premier personnage de son futur théâtre de Guignol.

« Laurent souffle, dresse son travail dans la lumière pour juger des proportions de la tête et pour comprendre ce qu’il a fait. Jeanne lève les yeux de son ouvrage et regarde elle aussi.
– On dirait Thomas, dit-elle.
– Alors c’était donc lui que je voulais sculpter. Il est sorti tout seul du morceau de bois. (…) Ce Thomas-là pourra boire tout son saoul, il ne fera jamais faux bond. (…) Je pourrais même l’appeler Benoît.
– Mais non, il va croire que tu te moques, ton tonton. Moi, j’ai une autre idée : c’est un gnafre, il boit trop, il est rond, c’est Gnafron ! (Faire Guignol, p 87-88)

Les pièces que créent Laurent Mourguet ne sont pas écrites. Sa troupe les joue « au canevas » explique Paul Fournel, comme font les musiciens de jazz. Mourget raconte à ses complices marionnettistes l’histoire qu’ils vont jouer, puis chacun improvise sa partie différente chaque jour à partir de cette trame.

« Laurent Mourguet ne sait pas écrire, mais il est un homme cultivé, il a joué Pathelin, il va au théâtre. », dit Paul Fournel. Il est toujours à l’écoute, à la recherche d’histoires, interroge ses proches, cet oncle Benoît, cordonnier, qui a failli donné son prénom à la marionnette Gnafron :

– Raconte-moi des histoires.
– J’ai un fer à clouer sous cette botte et je suis à toi.
– Je veux des histoires fausses qui racontent des choses vraies. (…)
– Tu veux donc des histoires. J’imagine que c’est pour ton théâtre. As-tu seulement pensé à la tienne ? Les miennes sont vieilles. Il te faut des histoires de ton temps.
– Je m’occupe de mes propres histoires, mon cher oncle, mais mon Guignol est de tous les temps. Je veux que tu lui prêtes ta vieille langue. » (Faire Guignol, p 132-133)

Sans la Révolution, point de Guignol, sans la censure, point de répertoire écrit

Pour Paul Fournel, « Laurent Mourguet n’était pas acteur de la vie politique, pas impliqué. L’époque était terriblement agitée. Dans ces métiers de saltimbanques, particulièrement. Si les canuts souffrent de la crise des années 30, les bateleurs ne peuvent plus se produire sur la voie publique. Sans cette période, il n’y aurait pas eu Guignol. » Un jour, après une bagarre dans un café où il joue, la garde veut l’embarquer parce qu’il en serait la cause avec le cabaretier, il s’enfuit. « On ne peut pas s’étonner, après cela, note Fournel (page 141), que Guignol prenne l’habitude de rosser l’autorité sous toutes ses formes. »

Un homme en noir et un autre en uniforme entrent dans le café-théâtre où Mourguet et sa troupe préparent une nouvelle pièce, Les frères Coq. Le représentant de l’État déclare : « Vous nous apporterez le texte de vos pièces. Si elles conviennent, nous leur donnerons un visa et vous pourrez les jouer à condition de ne point en changer une ligne. » (page 217)

Voici Mourguet qui ne sait pas écrire, qui improvise chaque jour sur le canevas de ses histoires, obligé de les transcrire. Évidemment, Mourguet demande à son comédien François qui écrit pour lui de « faire semblant, d’écrire ce que la censure veut lire. » Quant à eux, ils joueront ce qu’ils veulent.

Ironiquement, c’est un juge qui va le premier éditer les pièces de Laurent Mourguet, en 1865. Anonymement, bien sûr, vu l’époque et sa position de bourgeois. Jean-Baptiste Onofrio qui a été comédien dans sa jeunesse, quand il était étudiant en droit, et qui s’intéresse aux vieux langages, comme Paul Fournel, il est l’auteur de Essai d’un glossaire des patois de Lyonnais, Forez et Beaujolais, se passionne en cachette pour le théâtre de Laurent Mourguet. Ce sont alors les petits-enfants de ce dernier qui jouent Guignol. Onofrio transcrit petit à petit les pièces qu’il voit jouer dans leur café-théâtre. Le Pot de confiture, Le Marchand de picarlats, Les Couverts volés, une vingtaine, et les fait publier. Mais lui aussi opère une censure, en ne transcrivant pas ce qui est pornographique ou trop contestataire.

Marionnette du théâtre de Guignol — Photo : Luc Legay, CC BY-SA 2.0 no modification https://flic.kr/p/nzTkEp

Quelques mots encore avant de se quitter

Ayant fait sa thèse sur Guignol comme conservatoire du langage d’alors, Fournel était bien placé pour recréer dans cette biographie romancée le parler de l’époque. Sans des témoins d’alors, on ne peut dire s’il a réussi à 100 ou 83,47%, mais cela marche merveilleusement, dans ce mélange de dialogues ou Fournel excelle, d’incises d’archives et de discours rapportés. Il faut dire aussi du style de Fournel qu’il est limpide, simple, sans enjolivements qui feraient de l’ombre au héros du livre et à sa propre langue.

Quelques mots comme des agathes : gnafre, lantibardaner, petafiner, sigroler, arregardez, miaille, brasse-roquet… « Nom d’un rat ! » expression guignolesque qu’adore Fournel sans avoir réussi à retrouver à quoi elle correspondait, et ce mot, « pécuniaux », l’un des nombreux pour dire l’argent, grande préoccupation populaire de tous les temps, et de celui-ci si riche de grands chômages.

« L’argent est ronde, c’est pour qu’on la fasse rouler. » dit Laurent à sa chenuse, Jeanne, qui lui répond, « L’argent est plate aussi et c’est pour qu’on l’empile. »

 

Interview par Gilles Bertin, 9/9/2019

 

Vidéo de Paul Fournel avec la marionnette Guignol évoquant la vie de Laurent Mourguet 

Extrait de la bibliographie de Paul Fournel

Clefs pour la littérature potentielle, éd. Denoël, 1972, premier ouvrage sur l’Oulipo
L’Équilatère, 1972, éd. Gallimard. Roman
L’Histoire véritable de Guignol, éd. Federop, 1975
Les petites filles respirent le même air que nous, 1978, recueil de nouvelles
Les Grosses Rêveuses, 1981, recueil de nouvelles
Les Athlètes dans leur tête, 1988, Ramsay, rééd. Point-Seuil. , récit
Guignol, les Mourguet, éd. du Seuil, 1995
La Liseuse, 2012, P.O.L, roman, Une stagiaire offre une liseuse numérique à un vieil éditeur
Anquetil tout seul, Seuil, 2012, récit
Faire Guignol, éd P.O.L., 2019
Dans la Bibliothèque Rose, tous épuisés :
1976 : Ce coquin de Guignol
1976 : Guignol est un malin
1977 : La Fortune de Guignol
1977 : Les Bonnes Affaires de Guignol
1979 : Guignol se déguise

La maison taguée des pentes transformée en résidence de luxe et parking privé ?

C’est une maison bleue adossée à la colline
C’est une maison taguée qu’on assassine

C’est une maison bleue adossée à la colline
C’est une maison taguée qu’on assassine

Bouygues fait de la publicité pour une résidence de luxe sur les pentes de Croix-Rousse, avec 40 places de parking privé. C’est ce qu’ont découvert voici peu, avec stupéfaction, les habitants du quartier de la célèbre traboule des Voraces et de la place Colbert. Leur attention avait été attirée par un permis de construire affiché en bas de la rue Diderot, comme la loi l’oblige. Permis accordé par la mairie centrale de Lyon. Ceci sans aucune concertation avec la population. Ni aucune information. Alors que le site a une grande valeur écologique et culturelle. Et que la mairie aurait pu préempter. Il est à la fois un îlot de verdure sur le flanc abrupt de la colline et le lieu d’une des maisons les plus connues des pentes, au coin des rues Diderot et Pouteau, la maison taguée.

La maison taguée des Pentes, au coin des rues Diderot et Pouteau
« Avant », la maison taguée des Pentes, au coin des rues Diderot et Pouteau

C’est ce que l’on appelle une maison d’architecte. Bouygues aurait fait à ses propriétaires « une offre que l’on ne peut pas refuser ». Il s’agit d’une construction récente, 2009, originale, un cube de béton surmonté à l’étage d’une structure et bardage en bois, que la végétation recouvre progressivement, comme on peut le voir quand on descend de la place Colbert. Et dont la base est entièrement taguée.

Maison taguée de l'angle rue Pouteau et Diderot, côté végétation
« Avant », maison taguée de l’angle rue Pouteau et Diderot, côté végétation

Le projet de Bouygues, avec l’assentiment de la mairie dirigée par Gérard Collomb, pose au moins trois problèmes aux habitants de ce quartier à la topologie et l’architecture singulières. La continuation de la bétonisation à l’heure où il faudrait inverser la tendance, remettre de la verdure dans la ville, pour freiner, voire arrêter, la montée des températures. La continuation de la gentrification du quartier, pour quelques privilégiés et leurs automobiles, et de la montée des prix des logements, on a dépassé les 5000€ le m². Et la continuation de l’aseptisation du bâti, le remplacement de maisons fofolles avec une histoire par du béton lisse.

Affichette apposée sur la maison taguée reprenant un visuel du projet de Bouygues
Après, le projet de résidence de Bouygues repris sur une des nombreuses affichettes apposées sur la maison par les opposants au projet.

Les habitants du quartier commencent à se regrouper pour essayer d’arrêter ce projet. Le classique groupe Facebook a été créé. Il s’appelle « Les pentes contre Bouygues », voici le lien. Une réunion a lieu mardi 25 juin.

Beaucoup d'affichettes sur la maison taguée
Beaucoup d’affichettes sur la maison taguée

Rappelons que le magnifique jardin de la Grande Côte voisin, à 50 mètres, devait lui aussi devenir un ensemble de résidences privées, après que les maisons du lieu aient été détruites dans les années 70 par Zizi béton, surnom donné au maire Louis Pradel, fou de béton et auteur d’une des plus grandes erreurs urbanistiques françaises du 20ième siècle, la gare de Perrache, dans le prolongement du tunnel de Fourvière.

Affiche des années 70 du comité de défense de la Croix-Rousse

Les luttes sur les pentes ont alors été très fortes. Occupations, enchaînements aux bâtiments pour empêcher les démolitions, manifestations pour arrêter les pelles mécaniques, théâtre de rue, mise en scène des conseils municipaux. Cette mobilisation a démontré qu’autre chose que la gentrification était possible, un bel endroit de vie collective, de ressourcement, planté de mûriers rappelant l’histoire de la soie, qui attire des gens de tout Lyon et des touristes, entouré de crêches et de jeux d’enfants nichées dans la verdure. Un jardin qui a valorisé à long terme le quartier pour ses habitants et tous les Lyonnais. Démolir la maison taguée, ne pas utiliser l’espace voisin en espace vert, serait plus encore dévaloriser ce quartier que le dévaliser.

Réunion contre le projet de résidence : mardi 25 juin à 20h15, à la Marmite Colbert, juste à côté, au 7 rue Diderot

La vallée de la gastronomie — La nationale 7 des vins et des plats de Dijon à Marseille par Mâcon, Valence, Avignon et le Grand Hôtel-Dieu à Lyon

En concurrence dans le projet national de Cités internationales de la Gastronomie, impulsé en 2010 par l’état français dans le cadre du patrimoine immatériel de l’humanité de l’Unesco, Lyon et Dijon se retrouvent les chevilles ouvrières d’une belle idée, une « Vallée mondiale de la gastronomie ».

L’adjectif « mondial » est ambitieux, mais les deux conseils régionaux à la manœuvre — Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes — ont de solides arguments à faire valoir. D’autant plus depuis qu’une troisième grande région,  Provence-Alpes-Côtes-d’Azur, s’est associée au projet initié en 2016.

Une vallée mythe d’un temps gastronomique de qualité

Macon Vinzelles
La cave des Grands Crus Blancs de Mâcon-Vinzelles

Le trajet de cette vallée suit la fameuse Nationale 7 chantée par Charles Trenet. C’était au temps où il fallait deux jours pour descendre de Paris à Nice. Parce que l’on s’arrêtait en route pour laisser refroidir les moteurs. Et se sustenter. À Nuits Saint-Georges d’un coq au vin. À Tournus, chez Greuze. À Mâcon de quelque Pouilly-Fuissey ou Saint-Véran. Jusqu’à Lyon, les Brouilly, Saint-Amour, Juliénas. Le tunnel de Fourvière n’existait pas encore, c’était encore le temps des mères lyonnaises, d’Eugénie Brazier, rue Royale, le temps des bouchons. Puis on entrait dans la vallée du Rhône, Condrieu, Valence et Montélimar. Fruits, légumes, vins. Grand soleil. La revoici cette nationale 7, fantasmée dans ce projet de vallée de la gastronomie.

Paul Bocuse par SAFYR, photo du 14 septembre 2018, angle rues Crimée et JB Say
Paul Bocuse par le street-artiste SAFYR, photo du 14 septembre 2018, angle rues Crimée et JB Say à Lyon

« Slow tourism »

Il s’agit bien sûr de marketing territorial de la part des politiques de ces trois nouvelles grandes régions, destiné à retenir le temps d’une halte l’énorme flux d’Européens du nord descendant vers le sud. Allemands, Belges, Hollandais, Scandinaves, Anglais. Pour un repas gastronomique, une nuit, deux ou trois jours. De prendre à nouveau le temps, seul luxe de notre époque avec la déconnexion. Point de temps, foin de qualité. C’est ce qu’offriront les lieux labellisés par cette nouvelle Vallée de la gastronomie. De l’originalité pour les papilles, solide ou liquide. Une nouvelle maison des vins à Mâcon. La cité du chocolat à Tain-L’Hermitage. La maison Pic de Valence. Les vins de Beaune, du Beaujolais, de la vallée du Rhône. Bocuse. Les cités de la gastronomie fraîchement inaugurées de Dijon et de Lyon.

La cité du chocolat Valrhona à Tain l'Hermitage
La cité du chocolat Valrhona à Tain l’Hermitage

En Bourgogne Franche-Comté, une quarantaine de points sont déjà retenus, restaurants, caves, fromageries. On en saura bientôt plus pour les deux autres régions. La cheffe Anne-Sophie Pic est à la tête d’un projet pour Valence. La Cité du Chocolat Valrhona à Tain l’Hermitage s’est engagée comme sponsor de l’opération. C’est que sur les 19 millions nécessaires au projets, il en reste 13 à trouver. Lyon, la métropole du Grand-Lyon et la région Auvergne-Rhône-Alpes en apportant chacune 2.

Inauguration de la Vallée de la gastronomie le 24 juin 2019 au Grand Hôtel-Dieu à Lyon par les trois présidents de région.

Nous vous en disons plus, bientôt.

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Le monde de Steve McCurry, une grande expo d’un grand photographe à la Sucrière à Confluence

Qui n’a jamais vu cette photo emblématique de la guerre en Afghanistan ? Une des photos célèbres du 20ième siècle. Steve Mc Curry l’a prise dans les années 80 dans la camp de réfugiés de Peshawar, au Pakistan. Dans le regard de ces yeux, cette interrogation au monde.

Sharbat Gula, Afghan Girl. Peshawar, Pakistan, 1984. By McCurry – DR
Sharbat Gula, Afghan Girl. Peshawar, Pakistan, 1984. By McCurry – DR

Steve Mc Curry a beaucoup photographié l’Afghanistan. L’expo commence par une série de tirages en noir et blanc des années 79-80. Portraits de moudjahidines en armes au début de ce conflit. Le reste de cette expo offre 200 tirages couleurs de photos prises en Inde, aux USA, en Ethiopie, Chine, Koweit, Sri Lanka, durant 35 ans de carrière. On est subjugué par les regards, l’une des constantes du travail de Mc Curry. Par ses cadrages. Par certaines photos encore plus magiques telle ce cheval devant deux colonnes de pierre au-dessus d’un lac ou ces pêcheurs accrochés sur des perches ou ce piroguier qui pagaie une rame à sa jambe.

Portraits d’enfants, de vieillards, de femmes, d’hommes, portraits de guerre, portraits poétiques, toujours des portraits, avec derrière chacun d’eux une histoire, l’ensemble de ces clichés constituant un portrait de la grande histoire de ces années à cheval sur les deux siècles. Steve Mc Curry est passionné par l’humain et les cultures du monde, c’est ce qu’il nous donne dans cette expo si dense que l’on en ressort saturé de sensations, on ne pourrait en voir plus.

Un conseil, prenez l’audioguide, il est bien fichu même s’il ne couvre pas tout. Steve Mc Curry y raconte l’histoire de la prise de beaucoup de ses clichés.

Un autre conseil, venez tôt si vous choisissez le week-end. Il y a des queues extraordinaires.

Enfin, Lyon sera la seule ville française ou se tiendra cette exposition.

S’il fait beau, profitez en pour une balade avec notre parcours de visite de Confluence.

Queue à l'entrée de la Sucrière le 2ième dimanche de l'expo
Queue à l’entrée de la Sucrière le 2ième dimanche de l’expo

Le monde de Steve McCurry — du mercredi 6 février au dimanche 19 mai

La Sucrière, 49-50 quai Rambaud, Lyon 2ième

Fermée les lundis. De 10h à 18h sauf le week-end de 10h à 19h.

Tarif : 13€ adultes et 8€ pour enfants et étudiants.

maudite__marde, nouvelle street-artiste à Lyon : injures d’amour en couleurs

Florale, rousse, scabreuse, maudite marde vient de surgir sur les murs des pentes et du plateau de Croix-Rousse ce début 2019. Ses collages à la ligne précise, coloriés comme l’étaient les décalcomanies des Malabars ou les emballages Kréma, sont très féminins, et adossés à des mots grossiers. D’enthousiasme, dès avoir vu son travail Montée de la Grande-Côte et rue de Crimée, je lui ai demandé via son compte Instagram maudite__marde une interview.

maudite__marde : Criss de fatiguant
Croisement rue de Crimée et rue Jean-Baptiste Say

L’anonymat, d’abord ? Question de base pour chaque street-artiste, de pair avec le choix de son blase. Maudite__marde le revendique, elle aussi. Le secret. Elle en a même fait un jeu, une sorte de test, pour voir si on la reconnaît ainsi dissimulée. Elle est devenue street-artiste de fil en aiguille, n’étant pas du tout graphiste, me jure-t-elle, mais photographe. C’est d’ailleurs ainsi qu’elle a fait la rencontre de cet art de rue, en accompagnant les grafeurs la nuit, elle trouvait intéressant d’avoir des photos de l’acte lui-même, le moment de la réalisation sur place, dans la nuit. Voici deux mois, en décembre, elle a basculé de l’autre côté, collant sur un mur l’une de ses photos, sous son nom de photographe. Et de là, l’idée de « poser », comme elle dit, les coloriages qu’elle commençait alors de faire. « Je découvre, explique-t-elle, mon talent de coloriste. Et, ajoute-t-elle à propos de ses références tatoo, J’aime, j’ai des tatouages, je fais des photos de tatouage. Je me suis dit que j’allais mettre de moi dans les personnages de ces réalisations. Leur chevelure rousse, leur rouge à lèvre roux, leurs tatouages, ce sont les miens. »

maudite__marde : trou d'cul
Sous l’esplanade, en haut de la montée de la Grande-Côte

Juxtaposé à ces portraits de femmes, des mots inconnus ou grossiers : Criss d’épais, Criss de fatiguant, Oste d’crisse. Ils m’avaient d’abord emmener vers des références à la crise économique. Elle rit au téléphone, « Ce sont des injures ! Des injures québécoises ! Elles sont si drôles. Et en plus, avec leur accent ! J’avais envie de juxtaposer l’image douce d’un visage avec des injures, pour parler autrement de l’amour. C’est une réponse aux mots d’amour qu’il y partout, une réponse que je veux mettre dans la rue. » Et pour la Saint-Valentin ? Rien, répond-elle, il faut être accompagnée… et de toute façon, on n’a pas besoin d’une occasion, il faut dire je t’aime tous les jours à ceux que l’on aime. Il y a une forme de romantisme, reconnaît-elle, dans sa démarche de présenter autrement l’amour.

maudite__marde : Oste d'crisse mon tabarnak
Sous l’esplanade, en haut de la montée de la Grande-Côte

Maudite marde n’est jamais allée au Québec, mais rêve de le visiter. Vous avez deviné que son nom d’artiste maudite__marde n’est pas une référence à Rabelais, mais elle aussi une injure québécoise. Quoique… Le québécois étant resté proche du français de l’époque de Rabelais.
Continuera-t-elle sa très jeune carrière de street-artiste ? Elle ne sait pas, tant que ça lui plaira, oui. Elle prépare une nouvelle série. Avec des portraits d’hommes cette fois. On peut la voir en ce moment vers le Nombril du monde, dans l’escalier entre le passage Mermet et la place Chardonnet, rue Flesseyle vers le Lavoir public, sous l’esplanade de la montée de la grande-côte, rue de Crimée, au bout de la rue de l’Alma côté Bon Pasteur, où il y a cette si jolie vue de Lyon. Et sur Instagram sous son nom d’artiste.

maudite__marde : Maudite Marde


Photos : Gilles Bertin, Lyon visite, Droits réservés

Exposition de la donation « Coiffes » d’Antoine de Galbert au Musée des confluences

exposition donation Coiffes Antoine de Galbert au Musée des confluences
Coiffe de jeune homme Turkana (Kenya ou Ouganda) — Crédits : musée des Confluences, don Antoine de Galbert, photographe Etienne Pottier

Hélas, hélas, hélas, La Maison rouge, lieu d’exposition de la fondation Antoine de Galbert a fermé le 28 octobre 2018 sur une merveilleuse et bien nommée expo sur le thème de l’envol. Antoine de Galbert est un galeriste et collectionneur d’art contemporain. Connu pour cette maison rouge qu’il avait créée à deux pas de la gare de Lyon au bord du bassin de l’Arsenal, où il a présenté tant de sublimes vues sur ses extraordinaires collections. Né à Grenoble et surtout héritier du groupe Carrefour, il a su utiliser avec grâce sa fortune pour notre grand bonheur. En 2017, il a fait donation de sa collection d’une cinq centaine de coiffes, venue du monde entier, extraordinaires de beauté et d’étrangeté, qu’il collectionnait depuis plus de 25 ans, au musée des confluences. Coiffes de rois, de reines, de prêtres, de guerriers, de marié.es, de danseurs.

Du 6 juin 2019 au 3 mai 2020, le musée des confluences présentera cette collection de coiffes d’Antoine de Galbert. Une exposition que l’on vous conseille d’ores et déjà si vous passez par Lyon à cette époque.

Voir notre parcours de visite du quartier Confluence

et notre visite guidée de Confluence

exposition donation Coiffes Antoine de Galbert au Musée des confluences
Coiffe d’initiation (Iles Banks – Vanuatu) — Crédits : musée des Confluences, don Antoine de Galbert, photographe Etienne Pottier

Street-art pop’ulaire, ouverture de Offside gallery du collectif Birdy Kids au Grand Stade

Birdy Kids a été dès 2010 un symbole pop culture avec ses oisillons smileys et joufflus aux couleurs acides sur les murs des échangeurs et le long des autoroutes autour de Lyon. Un art de rue ludique que les deux « GM » créateurs de ce collectif, Guillaume et Gautier Mathieu, ont installé au contact de madame et monsieur tout le monde, en dehors des quartiers gentrifiés de l’hypercentre.

Birdy Kids, à l’école Poyat, source Wikipédia — By Coline42 [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], from Wikimedia Commons

Les deux frères continuent aujourd’hui dans cette démarche avec l’ouverture d’une galerie dévolue au street-art dans un lieu extrêmement populaire, le Grand Stade de l’Olympique Lyonnais, à Décines.

Clin d’oeil au foot, elle s’appelle Offside Gallery.

Son inauguration a lieu ce 6 octobre.

Cette ouverture suit deux autres initiatives qui ont rencontré le succès public : l’ouverture de la galerie street-art SITIO de l’association Superposition près de Perrache et l’exposition ZOO cet été dans le 6ième.

Les artistes exposés à l’Offside Gallery sont : JEF AEROSOL / BIRDY KIDS / DOURONE / GREMS / GRAFFMATT / DAN23 / AGRUME / MANTRA / ZEST / MIOSHE / MLLE TERITE / MONSTA / SHAKA / VEKS VAN HILLIK / VERA / MAXIME IVANEZ

Offside Gallery : https://www.offsidegallery.com

Grand Stade, Décines — Entrée gratuite, parvis porte F

L’affiche de l’inauguration de Offside Gallery le 6 octobre au Grand Stade de Lyon